Zum Liederabend am 4. Februar 1974 in Paris


Le Monde, Paris, 6. Februar 1974

«SCHUBERT LE TRAGIQUE»
par Fischer-Dieskau et Barenboim

Arc-vouté, défiant le ciel. Dietrich Fischer-Dieskau attaque son récital Schubert avec une violence peu commune: «Moi, malheureux Alals, toutes les douleurs du monde pèsent sur mes épaules.» Le Chant du cygne s’égrène, désespéré (Son image), exquis (la Fille du pêcheur), en contre-jour rougeoyant (la Ville), irrémédiablement solitaire (Au bord de la mer) , face à la folie (le Sosie). Avec sa mèche sage et blanchissante, affrontant le destin, les yeux fixes avec une sorte de recul, le cou rentré dans son habit comme un paysan endimanché, il est à l’image même de ces lieder rustiques débordant de sublime poésie.

Daniel Barenboim accompagne en merveilleux pianiste, mais encore en-deçà de cet épanouissement parfait, de ce cristal extra-lucide où chaque note était signifiante et incitation géniale chez un Gerald Moore. Est-ce pour cela que la perfection du chant, l’expression du visage, les gestes de Fischer-Dieskau dans ces lieder cent fois chantés, glissent parfois vers une spontanéité un peu stéréotype, admirable toujours malgré une certaine patine?

Que d’harmonies s u p r ê m e s cependant en cette soirée, telle la mélodie des sphères qui sourd du colosse Memnon, et ce Calme de la mer que Barenboim effleure d’une rame divine entre deux sauvages poèmes de Goethe, le Postillon, Kronos et sa course infernale, le fantastique Prométhée comme un héros de la Tétralogie, Schubert est aussi ce grand tragique.

J. L.

zurück zur Übersicht 1974
zurück zur Übersicht Kalendarium