Le Concertographe
Le quotidien de la vie musicale sur Internet - www.leconcertographe.com
Lexpérience fait le chef
Paris
Jeudi 29 janvier 1998
Salle Pleyel
Giuseppe Verdi : Messe de Requiem
Julia Varady (soprano), Katia Lytting (mezzo-soprano), Stuart
Neill (ténor), Peter Mikulas (basse)
Orchestre de Paris, Choeur de lOrchestre de Paris, Carlo
Maria Giulini (direction)
Choeur et orchestre sont au service du chef, qui a la personnalité que requiert son rôle. Dans lexécution se recréent les gestes et la continuité de loeuvre. Les phrases sont en mouvement, elles émergent, se tendent et séloignent pour disparaître. Les différents moments semblent naître les uns des autres, naturellement. Le chef sait également motiver les ruptures, les contrastes. Il semble tenir véritablement lorchestre, quil amène à une variété de nuances impressionnante. Orchestre et choeur, dans les fortissimos, sont quelquefois proches du trop fort. Certains passages sont presque pompiers, mais peut-être loeuvre le veut-elle, car, extravertie, elle laccepte sans trop en souffrir, dans la mesure où, linstant daprès, elle redevient subtile et sombre. La lenteur de certains tempos est une prise de risques. Lorsque le défi est relevé, la démonstration est magistrale : loeuvre retrouve sa gravité, son pesant. Parfois pourtant, un enchaînement mal conduit, une reprise trop brusque brisent la magie de la lenteur.
Certaines questions de mise en place se posent chez les solistes - peut-être désarçonnés par une direction floue. Ils sont pourtant musicalement généreux, même si lon peut regretter un manque absolu dhomogénéité des voix, qui met à mal certains duos et trios. Varady, au timbre assez sec et léger, toujours cristallin dans les aigus mais un peu forcé et mat dans le grave, est remarquable de maîtrise technique - Son " Libera me " fut un très beau moment. Katia Lytting fut, face à sa sérénité, peut-être un peu trop dramatique. Son timbre, chaud et expressif mais parfois trop peu sonore, sadaptait également mal à celui de Varady. Stuart Neill, souvent un peu forcé et pas très convaincant, nous offrit quelques courts moments surprenants et très beaux - notamment lorsquil ose détimbrer sa voix, se faisant paradoxalement plus touchant. Peter Mikulas, basse un peu légère, fut très expressif - il fut probablement le plus proche de lesprit verdien.
Lovation qui conclut le concert sadressait peut-être davantage à la personnalité du chef quà sa direction, qui a ses faiblesses et paraît en certains passages manquer de certitude. Elle saluait pourtant un bel instant de musique : dans la Salle Pleyel comble et tendue (un petit incident entre spectateurs perturba le début du concert), on aurait pu entendre voler une mouche pendant les pianissimos, ce qui nest pas toujours le cas lors des concerts grand public.
Gaëlle Plasseraud