Un puissant Requiem
Avec le choeur Philharmonia de Londres, le Philharmonique
de
Strasbourg et une belle brochette de solistes, Jan Latham-Koenig
a dirigé
un Requiem de Verdi à l'éloquente puissance dramatique.
Une audition
longuement applaudie, au festival de Strasbourg. Si un hommage
à Verdi ne
se conçoit pas sans opéra, son Requiem est tout
indiqué pour une
commémoration du centenaire de la mort du compositeur,
et par un hasard de
calendrier, la même oeuvre était d'ailleurs donnée
le même soir à
Strasbourg et à Baden-Baden. Verdi célébrait
ici un anniversaire de la mort
du grand patriote italien Manzoni, et son Requiem a vite pris
le chemin des
salles de concert et de théâtre - Hans von Bulow
qualifia l'ouvrage d'«
opéra en habit ecclésiastique ». L'oeuvre
est dramatique assurément, et
elle joue essentiellement sur la dialectique du « Dies
irae » -la colère
divine, qui s'abat en tonnerre fracassant, avec en plus la sonnerie
berliozienne du jugement dernier- et de la prière de l'homme
qui implore
d'être libéré de son angoisse face à
la mort. Autant de contrastes, que
l'audition met en jeu avec tous les moyens de l'écriture
verdienne : du
contrepoint sévère des fugues chorales aux passages
lyriques les plus
expressifs des soli et ensembles, sans grand souci d'unité
de style
d'ailleurs. Mais l'oeuvre donne à chacune de ses sections
son caractère.
Passages toujours délicats à négocier, l'entrée
des violoncelles dans
l'Offertoire ou le trio chromatique a capella du Lux aeterna
; mais Jan
Latham-Koenig conduit le Requiem avec un esprit conséquent
d'un bout à
l'autre - il l'a déjà dirigé il y a cinq
ans à Strasbourg, avec le même
choeur du Philharmonia de Londres, solide équipe cette
fois-ci instruite
par Deborah Miles Johnson, et qu'il connaît pour en avoir
été, étudiant,
membre lui-même. Forte audition, qui bénéficia,
avec l'appui d'un
orchestre attentivement mobilisé, d'un quatuor de solistes
qui atteint ici
une homogénéité relativement rare dans les
auditions du Requiem. La basse,
Mario Lumeri, intervenait certes presqu'impromptu, du fait de
l'indisponibilité soudaine du soliste annoncé,
mais il tint sa bonne place.
Le ténor Vincente Ombuena fut brillant et lumineux, la
mezzo Elisabetta
Fiorillo puissamment à son affaire. Et Julia Varady manifesta
présence et
expérience, en toute circonstance, et en particulier dans
le Libera me, où
l'on attend la soprano. Entre des soli très exposés
et une masse chorale
moins flexible, du reste un brin enfermée dans les éléments
de décor d'Aïda
(qui rendaient peut-être plus mate aussi la sonorité
de l'orchestre),
Latham-Koenig ménagea les compromis nécessaires,
sans ôter rien à la force
expressive du Requiem du Verdi.
Marc Munch |