Le Monde de la Musique n°279 – septembre 2003

Côté trois étoiles, ce coffret vaut un « Choc » pour Varady! Ecoutez, vous comprendrez. Pour la première fois, voici une intégrale d’un opéra de Verdi avec la soprano Julia Varady. Qui peut dire si ce Trouvère munichois sera suivi d’autres intégrales ? Géniale verdienne, outre cette Léonore du Trouvère, Varady, a présenté sur la scène bavaroise une galerie exceptionnelle de portraits, d’Aida a Abigaille de Nabucco en passant par Elisabeth de Valois de Don Carlo, Desdemone d’Otello, Violetta de La Traviata, Amelia du Bal Masqué et l’autre Léonore, celle de la Force du Destin. Varady n’ayant jamais enregistré commercialement ces rôles, ce « live » provenant des archives du théâtre comble partiellement l’impardonnable défaillance des maisons de disques. (…)

Entre abandon et douceur, feu et passion, elle fait de Léonore la véritable héroïne de l’opéra qui irradie de mille facettes. Ample, caressant, triste, son « D’amor sull’ali rosee » est anthologique. Varady est la meilleure Léonore que nous ayons au disque, elle est un modèle de chant verdien – ou de chant tout court.

Georges Gad


Diapason n°506 – septembre 2003

(…) La propension de Sinopoli à cultiver les extrêmes de tempo et de dynamique, comme à confondre transition et rupture, s’accomplit par la grâce d’un orchestre et de chœurs d’acier en une narration éminemment tragique, comme si des gens très civilisés puisaient dans ce qu’il y a en eux de plus sombre pour nous conter une épopée barbare.

Ce Verdi à l’allemande, d’une froideur coupante, doit beaucoup au quatuor de chanteurs. (…) Julia Varady, qui drainera les discophiles si longtemps frustrés de ses rôles verdiens, est telle qu’on l’attendait en ses années de gloire vocale. Registres contrastés et pourtant unis, émission ciblée, à la minceur ascétique mais pénétrante, phrasé dont la ductilité dans la déploration et l’élégie font oublier une tendance à picorer les staccatos dans les cabalettes. Le flou habituel des mots cède au génie des demi-teintes et de l’accentuation expressives, avec d’irrésistibles langueurs angéliques dans la prière nuptiale et « D’amor sull’ali rosee », puis une noirceur terrifiante dans le « Miserere ». Etait-elle à son apogée ce soir-là et dans ce contexte, ou d’autres couronnes d’épines ensanglantées dorment-elles encore dans les archives du Bayerisches Staatsoper ? Espérons que des Nabucco, Traviata, Don Carlo (et Eugène Onéguine dans un univers différent) permettent bientôt de répondre.

Vincent Agrech

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